La femme sans tête de Lucrecia Martel
Festival de Cannes - En compétition
Synop : Veronica est au volant de sa voiture quand, dans un moment de distraction, elle heurte quelque chose. Les jours suivants, elle semble disparaître, doucement étrangère aux choses et aux personnes qui l’entourent. Subitement, elle avoue à son mari qu'elle a tué quelqu'un sur la route. Ils retournent ensemble sur les lieux de l’accident mais n’y découvrent que le cadavre d’un chien. Alors que ce mauvais épisode paraît clos et que la vie reprend son cours, un cadavre est découvert...
A l’occasion de la présentation en Compétition de La Mujer Sin Cabeza,
la réalisatrice argentine Lucrecia Martel, l'actrice María Onetto ainsi
que les producteurs Agustin Almodovar, Enrique Piñeyro, Veronica Cura
et Marianne Slot ont répondu aux questions des journalistes. Extraits
choisis.
Lucrecia Martel sur la construction du film :
"Pour moi, le cinéma est un processus de pensée qui va refléter des
émotions physiques. Pour construire ce film, il fallait qu'il y ait
plusieurs strates, plusieurs éléments qui se combinent pour refléter
l'état général de ce personnage qui semble flotter. J'ai fait un
travail sur le son et la construction et j'ai également travaillé sur
la profondeur de champ et l'image. Il ne s'agit pas ici de partager des
émotions directement avec le spectateur, il faut que l'ensemble soit
suggéré par la construction même du film, qu'on puisse percevoir ce
qu'il se passe dans la tête du personnage grâce au film lui-même."
Lucrecia Martel sur l'absence de traduction pour certains dialogues :
"Je pense qu'il y a des films qui peuvent être de nationalités
différentes et qu'on peut partager même si on ne comprend pas la
langue. Le film est fait de différentes strates, il y a beaucoup de
petits dialogues que nous n'avons volontairement pas traduits pour ne
pas surcharger le son et pour que ça reste audible. En fait, ces petits
dialogues font partie de la bande-son elle-même. Il n'y avait pas
nécessité de les traduire. Tout n'est pas traduisible de façon
intégrale dans ce film."
Agustin Almodovar sur le lien qui l'unit à Lucrecia Martel :
"On avait déjà produit La Ciénaga de Lucrecia Martel. Ce qui
m'a plu, c'est à la fois la personnalité de la réalisatrice et tous les
éléments du film. Nous aimons le cinéma dans toute sa complexité, le
fait de se confronter à des films, et évidemment ça inclue aussi le
fait d'être actif émotionnellement dans la production. Nous étions
fascinés par ce style de film, par cette chorégraphie qui parcourt le
film. Pour nous, c'est une réalisatrice très singulière qui a créé un
cinéma absolument fascinant et essentiel. Nous savons aussi que le
cinéma de Lucrecia Martel est un cinéma difficile pour le public. Je
suis en quelque sorte son agent de promotion particulier. Après La Ciénaga,
on avait très envie de produire d'autres films de Lucrecia Martel et
donc on a créé une relation professionnelle dont nous sommes très
satisfaits. On espère que ça continuera."
Lucrecia Martel sur l'influence d'Antonioni :
"Il y a cette influence, mais pas de manière évidente. Les grands
cinéastes sont importants pour tous les réalisateurs, c'est un peu
comme le Christ pour la civilisation occidentale. Mais je ne souhaitais
pas m'inspirer directement du cinéma d'Antonioni."
Lucrecia Martel sur l'écriture des dialogues :
"Pour moi, c'est très simple. Si on passe deux minutes avec ma mère
qui a un petit côté inquiétant et qui aime beaucoup parler, je peux
dire que 95 % de mes dialogues sont des dialogues volés de cette façon.
J'ai donc une pratique de 40 ans de ces petits dialogues avec ma mère."
Lucrecia Martel sur le choix du format :
"J'ai eu un petit problème de frustration dans ma vie. Il y a eu une
déviation dans ma carrière. Je devais au départ être médecin, ce qui
fait que j'entretiens une relation quasi-médicale avec la caméra. Je
n'ai pas utilisé le format du cinémascope pour La Niña Santa.
C'est très récemment que j'ai décidé de l'adopter non pas pour filmer
des paysages mais parce que je trouve que c'est un format idéal pour
approcher les corps, le physique. On avait plusieurs scènes dans le
film - les scènes dans le lit, dans la maison - qui le permettaient."