Le silence de Lorna des frères Dardenne
Festival de Cannes - En compétition
Synop : Pour devenir propriétaire d’un snack avec son amoureux Sokol, Lorna, jeune femme albanaise vivant en Belgique, est devenue la complice de la machination de Fabio, un homme du milieu. Fabio lui a organisé un faux mariage avec Claudy pour qu’elle obtienne la nationalité belge et épouse ensuite un mafieux russe prêt à payer beaucoup pour devenir belge. Pour que ce deuxième mariage se fasse rapidement, Fabio a prévu de tuer Claudy. Lorna gardera-t-elle le silence ?
Palme d'or pour L'enfant en 2005 et pour Rosetta en 1999 ...
A l’occasion de la présentation en Compétition du Silence de Lorna,
les réalisateurs belges Jean-Pierre et Luc Dardenne, le producteur
Denis Freyd ainsi que les acteurs Arta Dobroshi, Jérémie Renier,
Fabrizio Rongione et Alban Ukaj ont répondu aux questions des
journalistes. Extraits choisis.
Jean Pierre Dardenne sur leurs intentions : "Ce
qui nous a intéressés, c’est de raconter l’histoire d’êtres humains, en
Europe occidentale, qui viennent d’ailleurs, Lorna principalement et
Sokol, et comment ils arrivent - par des manières qu’on ne peut pas
saluer - à obtenir ce qu’ils pensent être leur part de bonheur. Nous
avons voulu que cette Lorna reste un être humain, avec sa part d’ombre,
ses paradoxes et son silence. Mais c’est un beau silence, car il va, si
je puis dire, "accoucher" de quelque chose…
Luc Dardenne sur la manière de filmer : "Nous
avons une caméra beaucoup plus calme, car on voulait regarder Lorna.
Pour la regarder, il ne s’agit pas de bouger avec elle, de vouloir être
dans son énergie. On voulait plus enregistrer qu’écrire avec notre
caméra."
Les comédiens sur le travail avec les réalisateurs :
Arta Dabroshi : "Travailler
avec Jean-Pierre et Luc a été un très grand plaisir. Nous avons d’abord
répété pendant un mois et demi. Pour des acteurs, c’est le paradis, car
chaque jour, nous découvrions de nouvelles facettes du personnage."
Alban Ukaj : "Souvent,
les réalisateurs veulent nous servir d’exemple. Ici, c’était le
contraire. Les acteurs étaient invités à faire des propositions, et eux
puisaient en nous. C’était très agréable. A un moment, je me suis
concentré sur mon rôle comme si je travaillais pour le théâtre."
Luc Dardenne sur le travail à deux : "Nous
parlons beaucoup pour faire le scénario. Puis nous faisons le casting
nous-mêmes, tous les deux. Sur le plateau, nous travaillons d’abord
très longtemps avec les acteurs, et personne d’autre autour de nous.
Après, quand on sent que le plan est presque là, on appelle le
caméraman, le directeur de la photo, l’ingénieur du son, éventuellement
le chef décorateur. Et là, un de nous deux se retire et va regarder le
moniteur vidéo et devient silencieux. Une fois qu’on a fait une prise,
mon frère et moi parlons devant ce moniteur. Généralement, il n’y a
personne avec nous à ce moment-là. Puis celui qui s’occupe du plan va
parler aux autres collaborateurs. Ensuite nous sommes présents tous les
deux au montage et au mixage. Ce n’est pas plus compliqué que d’être
seul, c’est peut-être même plus simple pour nous, sinon nous n’aurions
pas continué…"
Jean-Pierre Dardenne sur les différences entre Lorna et les personnages de leurs précédents films :
"Avant de commencer le scénario, on s’est donné une ligne de
conduite : si on veut écrire une histoire qui est dans la même famille
que celles que nous avons déjà racontées, il faut que le personnage ait
une autre trajectoire. On savait que ce serait une femme, on savait de
quel fait divers on allait partir, mais on savait aussi que son
cheminement devait être différent de celui des personnages précédents.
Même si, dans chacun de nos films, les personnages deviennent plus
humains à la fin. C’est encore le cas de Lorna, mais différemment."