Les trois singes de Nuri Bilge Ceylan
Festival de Cannes - En compétition
Synop : Une famille disloquée à force de petits secrets devenus de gros mensonges, tente désespérément de rester unie en refusant d’affronter la Vérité. Pour ne pas avoir à endurer des épreuves et des responsabilités trop lourdes, elle choisit de nier cette Vérité, en refusant de la voir, de l'entendre ou d’en parler, comme dans la fable des "trois singes". Mais jouer aux trois singes suffit-il à effacer toute Vérité ?
Grand Prix du festival avec Uzak (2003) ...
Conférence de presse du 16.05.2008 à Cannes.
A l’occasion de la présentation en Compétition des Trois Singes,
le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan, le scénariste Ebru Ceylan, le
directeur de la photographie Gokhan Tiryaki, le producteur Zeynep
Ozbatur, le distributeur Eric Lagesse ainsi que les comédiens Hatice
Aslan, Yavuz Bingol, Ercan Kesal et Ahmet Rifat Sungar ont répondu aux
questions des journalistes. Extraits choisis.
Nuri Bilge Ceylan sur le titre du film :
"On a essayé plusieurs titres de film, mais je pense que celui des Trois Singes
était celui qui convenait le mieux, parce qu’il y a beaucoup de
situations dans le film où les personnages jouent comme les "trois
singes". Ils font semblant pour se protéger. Le fils fait semblant de
ne pas voir sa mère, le père fait semblant de ne pas entendre la voix
du patron. C’est quelque chose qu’on fait également dans la vie. On
fait les trois singes, on fait semblant de ne pas entendre, de ne pas
voir. On a aussi pensé au titre "Daydreams", "Rêveries de jour". Mais
"Les Trois Singes", c’est une sorte de mythe, et par conséquent je
voulais m’en servir. C’était quelque chose d’étrange, quelque chose
d’inattendu venant de ma part. Eric Lagesse ne voulait pas de ce titre,
qu’il ne trouvait pas assez vendeur. On a eu quelques discussions à ce
sujet."
Nuri Bilge Ceylan sur l’accident invisible à l’écran :
"On a tourné la scène de l’accident au début. Et quand j’ai fait le
montage, j’ai décidé de ne pas le montrer. Et pourtant, je m’étais
donné beaucoup de mal pour tourner cette scène. On avait dépensé
beaucoup d’argent. Au moment du montage, j’ai pensé qu’il était
préférable que le spectateur recrée l’accident dans sa propre
imagination. C’est comme lorsqu’on lit un roman."
Nuri Bilge Ceylan sur les conditions climatiques du tournage :
"En fait, je suis comme un caméléon quand je tourne, je m’adapte aux
conditions climatiques. Ce n’est pas très facile de faire un tournage
en se fiant au temps. Dès que le temps change, je change le scénario.
Je fais en sorte d’adapter les deux."
Nuri Bilge Ceylan sur la mort de l’enfant :
"J’imagine que l’enfant est décédé par noyade dans la mer. Je n’ai
bien sûr pas donné beaucoup d’indications à ce sujet, mais on le
retrouve mouillé, en maillot de bain comme s’il sortait de l’eau. C’est
un peu l’idée que je suggère. Le frère aîné se sent coupable de cette
noyade. J’ai voulu utiliser cet enfant comme une sorte de lien entre
les membres de la famille. Ce n’est que lorsqu’ils souffrent que
l’enfant devient réellement présent pour la famille."
Nuri Bilge Ceylan sur sa façon de travailler :
"Je prévois tout, puis je change les choses, parce qu’on n’arrête
jamais de penser. Chaque nuit, je pense à ce que je vais tourner le
lendemain. Parfois, on s’aperçoit que ce qu’on avait prévu ne marche
pas, il faut alors trouver d’autres solutions. Et comme on n’est jamais
sûr de ce que l’on va retenir au montage, il faut essayer différentes
choses au moment du tournage. En général, je filme d’abord ce qui est
dans le script. Puis, je tourne des alternatives. Et ensuite, j’essaie
d’improviser si les acteurs ont un bon potentiel en la matière.
Parfois, ça marche beaucoup mieux que ce que vous aviez imaginé au
départ. Voilà ma méthode."