Linha de passe de Walter Salles & de Daniela Thomas
Festival de Cannes - En compétition
Synop : Sao Paulo. 20 millions d'habitants, 200 kms d'embouteillage, 300 000 coursiers. Au coeur de cette ville en transe, quatre frères essaient de se réinventer de manières différentes. Reginaldo, le plus jeune, cherche obstinément son père. Dario rêve d’une carrière de footballeur, mais l'âge, 18 ans, le rattrape. Dinho se réfugie dans la religion tandis que l’aîné, Denis, déjà père d’un enfant, gagne difficilement sa vie. Leur mère, Cleusa, femme de ménage qui élève seule ses quatre enfants nés de pères différents, est à nouveau enceinte.
Walter Salles a participé au projet Paris, je t'aime (2006) et a produit La cité de Dieu de Fernando Meirelles (2002) ...
Daniela Thomas a, elle aussi, participé à Paris, je t'aime (2006) ...
Conférence de presse du 17.05.2008 à Cannes.
A l’occasion de la présentation en Compétition de Linha De Passe,
les réalisateurs Walter Salles et Daniela Thomas ainsi que les acteurs
João Baldasserini, Kaique Jesus Santos, Vinícius de Oliveira et José
Geraldo Rodrigues ont répondu aux questions des journalistes. Extraits
choisis.
Walter Salles sur ses sources d'inspiration :
"Le personnage de Kaique est inspiré d’une histoire vraie qui s’est
passée au Brésil il y a 4 ou 5 ans environ (...) Le film est vraiment
basé sur des histoires réelles qu’on a intégrées dans la même structure
narrative. Comme on souhaitait faire un film sur la jeunesse et sur des
gens qui se réinventent, Daniela, avec qui j'ai fait Terre Lointaine
en 1995, et moi sommes partis de la réalité brésilienne qui est très
riche et nous avons fait appel à des acteurs dont la plupart n’avaient
jamais tourné. 99% des personnes que vous avez vues dans le film en
étaient à leurs tout débuts au cinéma, de même pour l’équipe technique."
Sur la collaboration entre les deux réalisateurs :
Daniela Thomas :
"Walter est un homme très généreux et il a été assez fou pour
m'inviter à partager cette expérience extraordinaire. Les choses
n'étaient pas très bien définies. Les films que nous faisons ensemble
sont très différents des films qu'il réalise seul. Quand nous sommes 2,
nous devenons en fait 10, 12, 20. Il n'y a pas de vraie hiérarchie
définie. Ainsi, le film est en fait l'oeuvre de toute une équipe. Les
acteurs, les techniciens, tout le monde se sent très à l'aise. On parle
tout le temps derrière les caméras. C'est très ouvert, on discute de
tout et les gens se sentent bien. Ils aiment beaucoup faire partie de
cette grande famille."
Walter Salles :
"C'est un peu revenir à l'idée du cinéma comme aventure collective.
Ca me paraissait intéressant d'expérimenter cette sensation-là de temps
en temps. C'est quelque chose qui serait dur à faire de manière
continue, mais après plusieurs films en solo, pouvoir revenir à cette
essence collective du cinéma et penser un film qui est enrichi par des
regards différents, c'est quelque chose qui est très inspirateur et qui
non seulement alimente ce projet-là mais qui alimente aussi d'autres
projets. Par exemple, quand je tourne avec Daniela, je sens que le
résultat est plus âpre et plus brut que ce que je ferais si j'étais
seul. J'aime cette sensation de danger. Ici, on est plus dans l'action,
dans l'immédiat. On ne bloque pas les acteurs dans la scène, on essaie
de les suivre. La caméra est au service des acteurs, il n'y a pas
d'impératif, l'improvisation est constante. 25 ou 30 % des scènes qui
sont dans le film n'étaient pas écrites. Il y a une liberté dans le
geste qui est très intéressante et qui rend pour moi cette aventure
nécessaire de temps en temps."
Daniela Thomas sur le tournage à São Paulo :
"La ville de São Paulo s'est imposée en même temps que le script.
C'est une ville gigantesque et il n'y a pas d'échappatoire comme à Rio.
Rio, c'est une ville énorme, mais il y a au moins la mer, il y a une
possibilité de s'en échapper, mais à São Paulo il n'y a rien, il n'y a
que des rues, des immeubles, des tunnels, des ponts. São Paulo, c'est
comme une ville au bout du monde. Quand on a commencé à écrire
l'histoire, on est allé à São Paulo. Je ne connaissais pas tous ces
quartiers qui figurent dans le film. On a commencé à plonger dans ces
banlieues pour essayer de comprendre. La plupart des endroits que vous
voyez dans le film sont des endroits qu'on a choisis lorsqu'on a
commencé à écrire le scénario. Ce n'était pas des endroits théoriques,
abstraits. On savait dans quelles conditions vivaient ces gens."
Daniela Thomas sur le scénario :
"Pour nous, il fallait qu'il y ait une structure assez dramatique
dans le film. Il y a aussi une transition entre les différents
personnages, non pas parce qu'ils se rencontrent mais parce que les
histoires sont un peu comme des rivières avec des ruisseaux qui se
jettent dedans. Les personnages ne se rencontrent pas mais leurs
histoires sont entremêlées. Le film est conçu comme une corde tressée
avec des histoires qui se croisent et se recroisent. Donc ce n'était
pas la peine de séparer les différentes histoires en blocs."
Walter Salles sur l'absence de figure paternelle dans le film :
"Récemment, il y a une statistique qui est tombée au Brésil et qui
dit que le nombre de familles ou le père n’existe pas est de l'ordre de
25 à 28%. C'est statistiquement très impressionnant cette absence
chronique du père dans les familles brésiliennes, et c'est un phénomène
qui tend à se multiplier. Alors, le résultat, c'est qu'on voit des
familles élevées par des mères courage qui sont donc père et mère à la
fois et qui essaient de lutter. Elles représentent pour moi une espèce
de résistance morale, c'est très marqué dans le film d'ailleurs."